Le repas gastronomique français a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO en 2010, couronnant un long processus initié en 2008. Cette reconnaissance internationale valorise les pratiques sociales, les traditions et les savoir-faire liés au partage d'un repas festif en France.
Le processus d'inscription à l'UNESCO
L'inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO marque l'aboutissement d'un processus initié en 2008. Cette reconnaissance internationale souligne la valeur exceptionnelle des traditions culinaires françaises et leur transmission entre générations.
La création du dossier de candidature
En février 2008, la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) est créée pour préparer le dossier de candidature. Le président Nicolas Sarkozy annonce officiellement la candidature française lors du Salon de l'Agriculture 2008. La MFPCA constitue pendant deux ans un dossier complet documentant les pratiques culinaires françaises, leur histoire et leur dimension sociale.
L'examen par le comité intergouvernemental
Le 16 novembre 2010 à Nairobi, le comité intergouvernemental de l'UNESCO examine 54 dossiers de candidature au patrimoine culturel immatériel. Le dossier français est évalué selon plusieurs critères stricts :
- La transmission entre générations
- L'importance sociale et culturelle
- Le caractère traditionnel et évolutif
- Le respect des droits humains
- L'implication des communautés concernées
Le concept de patrimoine culturel immatériel
Cette catégorie, créée par l'UNESCO en 2003, vise à protéger les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire reconnus par les communautés comme faisant partie de leur patrimoine culturel. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel définit cinq domaines :
- Les traditions orales
- Les arts du spectacle
- Les pratiques sociales, rituels et événements festifs
- Les connaissances liées à la nature
- Les savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel
La décision finale
Le 16 novembre 2010, le comité vote à l'unanimité l'inscription du repas gastronomique des Français sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Cette reconnaissance permet d'assurer la sauvegarde et la transmission de ces pratiques culinaires aux générations futures.
Les caractéristiques du repas gastronomique français
Le repas gastronomique français incarne un art de vivre séculaire reconnu par l'UNESCO. Cette pratique sociale ritualisée se caractérise par des codes précis et une structure bien définie qui en font sa singularité. Une enquête du CREDOC réalisée en 2009 révèle que 95,2% des Français considèrent l'alimentation comme un élément constitutif de leur patrimoine culturel.
La structure codifiée du repas
Le repas gastronomique français suit un ordre établi qui débute par un apéritif, suivi d'au moins quatre services : une entrée, un plat principal, un plateau de fromages et un dessert. Les mets sont accompagnés de vins sélectionnés avec soin pour créer des harmonies gustatives. La durée moyenne d'un tel repas varie entre 2h30 et 4h00, permettant aux convives d'apprécier pleinement chaque service.
Les rituels de préparation
La préparation commence par la sélection minutieuse des produits, souvent issus des terroirs locaux. Le choix des recettes s'appuie sur un corpus culinaire transmis de génération en génération ou sur des ouvrages de référence. La mise en place de la table requiert une attention particulière : nappage, disposition des couverts, verres adaptés aux différents vins, décoration florale.
Les codes de service et de dégustation
Les gestes de service et de dégustation obéissent à des règles précises : ordre de service des convives, découpe des viandes, température des vins, rythme entre les plats. Ces pratiques contribuent à la théâtralisation du repas et à son caractère cérémoniel.
La dimension sociale et conviviale
Le repas gastronomique français constitue un moment privilégié de partage et d'échange. Les conversations autour des mets et des vins, les anecdotes sur leur origine ou leur préparation, participent pleinement à cette expérience sociale. Cette pratique marque les temps forts de la vie : mariages, anniversaires, réussites professionnelles, retrouvailles familiales.
Les engagements et actions de la France
Suite à l'inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO en 2010, la France a mis en œuvre un plan d'action national ambitieux pour valoriser et transmettre ce patrimoine aux générations futures.
Le réseau des Cités de la gastronomie
En 2013, quatre villes ont été sélectionnées pour accueillir les Cités de la gastronomie : Paris-Rungis (valorisation des produits et marchés), Dijon (culture de la vigne et du vin), Lyon (nutrition et santé) et Tours-Tours Val de Loire (sciences humaines et sociales). Ces pôles d'excellence constituent des lieux de transmission, d'innovation et d'expérimentation autour de la gastronomie française. La Cité de la Gastronomie de Lyon a ouvert ses portes en 2019 dans le Grand Hôtel-Dieu, suivie par celle de Dijon en 2022.
La transmission aux nouvelles générations
Le ministère de l'Éducation nationale a intégré l'éducation au goût et à l'alimentation dans les programmes scolaires. Des ateliers culinaires sont organisés dans les écoles, avec l'intervention de chefs cuisiniers. La Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) coordonne ces actions pédagogiques et développe des partenariats avec les établissements d'enseignement.
Le développement de la recherche
Des programmes de recherche ont été lancés sur l'histoire de la gastronomie française, les pratiques alimentaires et les savoir-faire culinaires. Des chaires universitaires dédiées ont été créées dans plusieurs universités à Paris, Lyon, Toulouse, Marseille et Reims. La MFPCA soutient également la publication d'ouvrages scientifiques sur le patrimoine gastronomique.
L'inventaire des produits et savoir-faire
La Fédération nationale des Sites remarquables du goût a entrepris dès 2008 un travail d'inventaire des produits, recettes et techniques culinaires traditionnels. Cette documentation exhaustive recense les spécialités régionales, les produits labellisés (AOC, IGP) et les savoir-faire artisanaux. Les données collectées alimentent une base nationale accessible aux professionnels et au grand public.
Les enjeux économiques et rayonnement international
L'inscription du repas gastronomique français au patrimoine immatériel de l'UNESCO en 2010 a généré des retombées économiques et culturelles majeures pour la France, tout en soulevant certaines questions sur son utilisation commerciale.
Rayonnement international de la cuisine française
La reconnaissance UNESCO a renforcé la position de la gastronomie française sur la scène internationale. En 2014, le classement Restaurant Magazine plaçait 5 établissements français parmi les meilleurs restaurants du monde. Le Club des Chefs des Chefs, regroupant les cuisiniers des chefs d'État, compte de nombreux chefs français qui contribuent au prestige de cette pratique sociale lors des repas diplomatiques.
Enjeux commerciaux et controverses
L'utilisation du label UNESCO à des fins commerciales soulève des débats. Certains acteurs économiques tentent d'exploiter cette reconnaissance pour promouvoir des produits industriels, ce qui va à l'encontre de l'esprit initial de préservation d'un patrimoine culturel. La Fédération nationale des Sites remarquables du goût a d'ailleurs alerté sur les dérives marketing potentielles.
Diplomatie culinaire et promotion des terroirs
Les repas d'État constituent un vecteur privilégié de la diplomatie française. Le Quai d'Orsay organise régulièrement des dîners protocolaires mettant en valeur les produits des terroirs français. Cette tradition remonte au XVIIe siècle avec les banquets royaux. La cuisine française demeure ainsi un instrument d'influence diplomatique, comme en témoignent les menus élaborés pour les réceptions de chefs d'État étrangers.
Questions sur l'implication de l'industrie agroalimentaire
Des associations de défense du patrimoine culinaire ont pointé les risques d'une récupération par l'industrie agroalimentaire. La Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires veille à préserver l'authenticité de cette pratique sociale face aux logiques industrielles. Un cadre réglementaire encadre désormais strictement l'utilisation de la mention "patrimoine UNESCO" sur les produits alimentaires.
L'essentiel à retenir sur l'inscription du repas gastronomique français à l'UNESCO
La reconnaissance UNESCO du repas gastronomique français marque un engagement fort pour préserver et transmettre ce patrimoine aux générations futures. Les Cités de la gastronomie, l'éducation scolaire et la valorisation des terroirs constituent des leviers pour valoriser les traditions culinaires. La dimension diplomatique des repas d'État renforce le rayonnement culturel gastronomique français à l'international.